CanREA s’inquiète des changements punitifs imposés au marché et au transport de l’électricité en Alberta

Le gouvernement albertain change ses politiques sans honorer ses promesses.

Edmonton (Alberta), le 10 décembre 2024. – L’Association canadienne de l’énergie renouvelable(CanREA) note avec inquiétude que les changements annoncés aujourd’hui (en anglais seulement) pour le secteur de l’électricité de l’Alberta semblent punitifs et injustement défavorables au secteur des énergies renouvelables, sans compter qu’ils n’encouragent pas non plus l’investissement dans le stockage d’énergie.

Signalant son intention de légiférer en ce sens dans l’année qui vient, le ministre de l’Abordabilité et des Services publics, Nathan Neudorf, a envoyé aujourd’hui une lettre d’instructions (en anglais seulement) informant le gestionnaire du réseau électrique albertain, l’Alberta Electric System Operator (AESO), des dernières décisions de son gouvernement à l’égard du règlement sur le transport d’électricité et du marché de l’énergie restructuré. Des changements étaient attendus dans ces deux dossiers, mais la révélation de leur teneur est particulièrement inquiétante.

La viabilité des projets existants est en effet compromise : ceux-ci se voient imposer des coûts administratifs et réglementaires imprévus, et ce sans qu’on leur accorde l’accès au marché qui leur était promis. L’investissement rapporte de moins en moins, donc le remboursement des dettes engagées est de plus en plus difficile.

« L’Alberta doit être prudente : il est contre-productif de mettre en péril les chantiers éoliens et solaires déjà en cours, surtout que la province a grand besoin d’électricité. Ces projets ont été menés de bonne foi, mais ils pourraient sombrer si le remboursement des dettes devenait impossible, et déclencher la cascade des cotes de crédit dans le secteur. Les emprunts coûteront plus cher aux entreprises, ce qui entraînera ultimement une hausse du coût de l’électricité pour les usagers », explique Vittoria Bellissimo, présidente et chef de la direction de CanREA.

CanREA craint qu’avec cette lettre, le gouvernement de l’Alberta modifie fondamentalement les règles gouvernant son réseau électrique, et ce peu après que le privé a investi des milliards de dollars dans de nouveaux projets en Alberta. L’Association comprend qu’il fallait procéder à certains ajustements, mais fait part de sa consternation face aux coûts indus imposés aux actifs existants, qui sont le fruit d’investissements de bonne foi.

CanREA aimerait clarifier deux points importants relatifs à l’annonce d’aujourd’hui :

  1. Au lieu de se fier à une seule source d’électricité, le réseau électrique de l’Alberta gagnerait plutôt à développer et maintenir un bouquet énergétique diversifié : cela augmente la fiabilité, réduit la vulnérabilité aux perturbations dans l’approvisionnement et, surtout, équilibre les coûts. Les Albertains veulent de l’électricité abordable? L’éolien et le solaire sont les nouvelles méthodes de production d’électricité les plus économiques sur la planète en ce moment. Une alimentation fiable? Le stockage d’énergie a aidé, en Alberta comme à tant d’autres endroits autour du monde, à maintenir la fonctionnalité du réseau. La province a en fait urgemment besoin d’accroître sa capacité de stockage.

  2. La plupart des « grands chantiers » de transport d’énergie menés en Alberta visaient l’acheminement de la production thermique, et non l’intégration des énergies renouvelables. En effet, la plupart de ces projets ont vu le jour avant l’apparition d’une seule installation solaire d’envergure dans le réseau albertain, et encore bien avant le développement de la capacité éolienne qui existe de nos jours.

S’il y a du bon pour l’évolution du secteur de l’énergie en Alberta dans la lettre d’instructions à l’AESO, il y a aussi des mesures inutilement punitives pour le secteur du renouvelable qui pourraient causer d’importants problèmes pour les projets déjà bâtis et en activité dans la province.

Le plus notable des changements est le fait que les nouvelles règles du marché seront fixées par voie législative au lieu d’être soumises à une évaluation indépendante dans le cadre d’un processus réglementé. Il s’agit d’un écart majeur par rapport à ce qui avait été promis quand le nouveau marché a été proposé.

L’Alberta apporte des changements considérables, mais aussi très expéditifs à la conception de son marché de l’électricité : elle compte boucler le dossier d’ici la fin de 2025, le tout sans évaluation indépendante. C’est tout à l’opposé de l’Ontario, qui, lui, s’est donné neuf ans pour mener le même genre de démarche.

Le gouvernement projette de corriger les « problèmes techniques » après la mise en œuvre de son nouveau marché, alors qu’il serait plus prudent de s’y attaquer à l’avance, par de rigoureux tests indépendants.

C’est 15,8 milliards de dollars par année qui transitent dans le réseau électrique de l’Alberta. La province ne peut pas se permettre de faire fausse route dans la conception de ce marché.

Points positifs du règlement sur le transport d’électricité

  • CanREA se réjouit que les producteurs d’électricité existants n’aient pas à éponger de coûts de transport additionnels, puisqu’il leur est impossible d’absorber ce genre de nouveaux coûts dans leur structure financière.
  • CanREA accueille l’adoption d’un calcul fondé sur les pertes moyennes pour le système, ce qui améliorera la certitude sur le plan des recettes.

Points préoccupants du règlement sur le transport d’électricité

  • CanREA déplore l’absence de plans de dédommagement des producteurs existants pour le bridage. L’Alberta avait promis aux investisseurs un système de transport exempt de congestion; les promoteurs ont bâti leurs projets sur la base de cette assurance. Mais nous voilà au troisième trimestre de 2024, et le système est congestionné 45 % du temps. L’Alberta n’a pas tenu sa promesse, et devrait donc dédommager tous les producteurs en activité qui n’arrivent pas à acheminer leur électricité au marché en raison de la congestion des lignes de transport.
  • CanREA craint que le gouvernement de l’Alberta ne reporte des projets dont a bien besoin son système de transport en adoptant sa nouvelle norme de « planification optimale » de la transmission. Voilà des années que l’on attend deux mises à niveau nécessaires à l’apport d’énergie renouvelable à faible coût dans le sud de l’Alberta. Celles-ci sont dûment requises par l’actuelle norme de planification de la transmission, qui est déjà légalement en vigueur et qui exige l’absence de congestion. Rappelons aussi que la concurrence joue dur dans le monde pour l’infrastructure électrique, et que le report des projets retardera l’arrivée d’une électricité propre sur le marché. Considérant de surcroît l’ambitieux plan qu’a la province d’accueillir des centres de données pour l’intelligence artificielle, il nous faut toute l’électricité qu’il est possible d’obtenir… mais les chantiers salutaires seront coincés dans un carcan réglementaire pendant la transition.
  • CanREA ne saurait souscrire aux changements majeurs visant l’allocation des coûts pour les services complémentaires alors que les projets existants ne sont pas en mesure d’absorber de frais supplémentaires. L’Association craint en effet que l’on refile les coûts relatifs à la capacité aux énergies renouvelables en les déclarant « complémentaires ».
  • Il n’y aura aucune certitude dans l’avenir proche pour les nouveaux projets de génération d’électricité en Alberta. Les nouveaux producteurs devront payer des frais initiaux, non remboursables et non plafonnés, pour le renforcement des lignes de transport, mais on n’en saura pas plus tant que l’AESO n’aura pas soumis de demande d’actualisation de la tarification appliquée aux exploitants de réseaux autonomes, ce qui ne se produira probablement pas avant 2027, au plus tôt.

En apportant ces changements, le gouvernement envoie le signal aux investisseurs qu’ils ne peuvent compter sur aucune certitude ou prévisibilité quant à la réglementation en Alberta. L’effet sera dissuasif pour les futurs projets, et ce alors que d’autres administrations travaillent d’arrache-pied pour faire en sorte que ceux-ci soient confiants face à leurs investissements pour les décennies à venir.

La capacité énergétique est l’un des trois piliers de la stratégie albertaine pour attirer des centres de données en IA. Or, si l’Alberta vient compromettre ses installations électriques, qui sont le fruit d’investissements de bonne foi, cette stratégie sera mise en péril, comme d’ailleurs la capacité de la province à fournir une électricité propre, fiable et abordable à sa population.

Citations

« L’Alberta doit être prudente : il est contre-productif de mettre en péril les chantiers éoliens et solaires déjà en cours, surtout que la province a grand besoin d’électricité. Ces projets ont été menés de bonne foi, mais ils pourraient sombrer si le remboursement des dettes devenait impossible, et déclencher la cascade des cotes de crédit dans le secteur. Les emprunts coûteront plus cher aux entreprises, ce qui entraînera ultimement une hausse du coût de l’électricité pour les usagers. »

– Vittoria Bellissimo, présidente et chef de la direction de l’Association canadienne de l’énergie renouvelable (CanREA)

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À propos de CanREA 

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