Carpe diem, Canada

Robert Hornung | mars 15, 2021

Nous pouvons atténuer les changements climatiques, mais seulement si nous plaçons l’éolien, le solaire et le stockage d’énergie au cœur d’une transition complète vers l’énergie propre dès aujourd’hui.

Il y a plus de 30 ans que je milite pour des mesures de réduction des gaz à effet de serre (GES), principalement de l’intérieur de la communauté environnementale et à titre de représentant du secteur de l’énergie renouvelable. Si l’on constate un progrès réel durant cette période, dans l’ensemble, le rythme des changements s’est révélé insuffisant : à l’heure où nous devrions sprinter pour tout tenter afin de prévenir la catastrophe, nous marchons lentement dans sa direction.

La température moyenne au Canada augmente deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale. Les signes des changements climatiques sont partout : fonte du pergélisol, montée du niveau des mers littorales, modification des tendances d’accumulation de neige et températures extrêmes provoquant une augmentation des inondations, des sécheresses et des tempêtes violentes.

Nous voyons déjà des répercussions importantes sur nos écosystèmes, nos communautés, nos infrastructures et notre économie, et la situation est en voie de s’aggraver dramatiquement.

En vertu de l’Accord de Paris, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et s’est joint à plus de 120 autres nations avec sa promesse d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il s’est également fixé un objectif de réseau propre, visant ainsi 90 % de sources d’électricité non émettrices avant 2030 et 100 % avant 2050.

Les objectifs, c’est une chose; les résultats, c’en est une autre. Malgré les mesures prises jusqu’ici par le Canada, ses émissions annuelles de GES sont demeurées relativement stables depuis 2005, à plus ou moins 700 Mt, toujours aussi loin de l’objectif de Paris de 524 Mt.

En décembre 2020, l’Association a accueilli le nouveau plan du gouvernement fédéral, « Un environnement sain et une économie saine ». Il s’agit d’un pas important vers l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050, mais il est crucial que les nouvelles propositions qu’il contient se traduisent par des mesures concrètes aux résultats significatifs dès 2021.

Comment y arriver?

Les cibles de réduction de GES que s’est fixées le Canada pour 2030 et 2050 posent un défi, mais sont certainement atteignables.

L’Institut canadien pour des choix climatiques a récemment publié un rapport analysant 60 trajectoires potentielles différentes qui permettraient au Canada de devenir carboneutre d’ici 2050. Sa conclusion? Des technologies « valeurs sûres » permettraient de presque atteindre la cible de 2030 et une bonne partie de celle de 2050, bien qu’il faudra compléter ce travail par certaines des nombreuses technologies « paris risqués ».

S’il existe d’importantes différences entre les scénarios de carboneutralité, tous reposent sur une décarbonation et une expansion considérable du réseau électrique.

Heureusement, le Canada est mieux placé que la plupart de ses homologues pour développer une stratégie à partir de cette pierre angulaire. Pour y arriver, il doit agir sur trois fronts.

1. Première étape : Un approvisionnement en électricité propre

Au Canada, 82 % du réseau électrique est déjà propre. Les 18 % restants peuvent facilement le devenir grâce aux abondantes ressources d’énergie renouvelable inexploitées du pays – dont le potentiel dépasse de beaucoup cette proportion.

Nous devons faire en sorte que toute nouvelle production d’électricité découle de processus concurrentiels et de signaux du marché visant une production propre des plus abordables.

Halkirk Alberta Wind Farm. Photo : Capital Power

Grâce à leur coût concurrentiel, l’éolien et le solaire seront les principales ressources à l’avant-plan de ces nouveaux investissements, complétés par d’autres en stockage et en transport interprovincial d’énergie pour garantir la fiabilité.

Le président Biden a affirmé que les États-Unis prendront des mesures pour décarboner leur réseau électrique d’ici 2035. Le Canada peut faire de même et devrait accélérer ses efforts en ce sens, tout en travaillant avec son voisin du sud pour permettre l’exportation d’électricité propre et ainsi l’aider à atteindre son but.

2. Deuxième étape : L’abandon des combustibles fossiles, car un réseau propre, c’est loin d’être assez

Notre électricité peut bien être la plus propre au monde, mais tant que le transport, l’industrie lourde et le chauffage ne seront pas électrifiés, nous n’arriverons pas à réduire nos émissions de GES de manière substantielle.

Actuellement, l’électricité répond à 16 % des besoins énergétiques du Canada. Les 84 % restants sont en grande partie comblés par les combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon). Heureusement, pour bon nombre de ces besoins, les possibilités d’utiliser de l’électricité abondent.

La transition devrait commencer par le transport. Au cours des derniers mois, les signes encourageants se sont multipliés concernant les voitures électriques : promesse de constructeurs automobiles de transition vers une production de véhicules électriques, achats de voitures électriques en hausse chez les consommateurs, augmentation des investissements dans les infrastructures de recharge.

Nous avons également vu des engagements visant à bannir la vente de voitures à essence : d’ici 2035 au Québec et d’ici 2040 en Colombie-Britannique. Il faut maintenant rassembler toutes ces initiatives prometteuses en une stratégie globale fédérale-provinciale d’électrification du transport de passagers.

Ensuite, il faudra définir des stratégies similaires pour l’électrification de l’industrie lourde et des bâtiments. Si les gouvernements font bien de se consacrer à l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc immobilier existant, il n’en reste pas moins crucial qu’ils profitent de ces rénovations pour explorer les possibilités d’autoapprovisionnement en énergie par une production d’électricité sur place (panneaux solaires sur les toits).

3. Troisième étape : Une production d’électricité beaucoup plus importante

Des études – notamment celles menées par l’Institut de l’énergie Trottier, le projet Trajectoire de décarbonation profonde à 2050 de l’ONU et l’Accélérateur de transition – sont toutes parvenues à une même conclusion : il faudra doubler ou tripler la taille du réseau électrique du Canada d’ici 2050 pour contrer les changements climatiques.

En effet, la réduction considérable des émissions de GES d’ici 2050 implique une augmentation de la demande en énergie propre pour alimenter les voitures électriques, les thermopompes électriques et de la nouvelle machinerie industrielle novatrice dans des secteurs comme celui de l’aluminium.

Un tel déploiement prendra du temps; nous devons commencer à prévoir le réseau électrique de 2050 dès maintenant pour mettre toutes les chances de notre côté.

Leadership mondial

Le Canada a une occasion de s’ériger en véritable leader mondial de la transition énergétique. Nos abondantes ressources énergétiques renouvelables nous procurent un avantage compétitif et nous sommes bien placés pour en profiter : la décarbonation et la forte expansion de notre réseau électrique propre compteront pour beaucoup dans l’atteinte de l’objectif de carboneutralité de 2050.

Les changements climatiques ne sont pas réversibles, mais avec une collaboration intersectorielle et interprovinciale, nous pouvons les ralentir afin que leurs effets soient plus gérables tout en créant des possibilités pour tous les Canadiens.

Nous avons une occasion unique de prévenir une catastrophe pour nos enfants et nos petits-enfants. Saisissons-la sans attendre!

Carpe diem.

Cet article est le troisième d’une série exposant la vision de CanREA quant à la façon dont l’éolien, le solaire et le stockage d’énergie, ensemble, seront au cœur de la transition énergétique du Canada. Jusqu’à présent, j’ai fait valoir que ces technologies représentent la trajectoire la plus abordable pour le réseau électrique du Canada, en plus d’offrir de nombreuses retombées économiques intéressantes (création d’emplois stables bien rémunérés et investissement dans les communautés rurales). L’énergie propre est également au cœur de nos initiatives nationales de lutte contre les changements climatiques, le plus grand défi environnemental de notre époque. Dans mon prochain article sur la vision de l’Association, j’expliquerai comment les énergies éolienne et solaire et le stockage d’énergie, ensemble, peuvent contribuer à la création du meilleur avenir possible pour les Canadiens en offrant de nouvelles options aux consommateurs.